LE RÉGIME ANGLAIS

Le progrès du nationalisme canadien 

et l’instauration de la démocratie (1791-1815)

NOTRE précédant chapitre de l'Histoire sainte du Canada nous a permis de cerner les influences qui, en 1791, déterminèrent le gouvernement de Londres à accorder une constitution au Canada pour y implanter un embryon de démocratie. Beaucoup d’historiens ont vu dans cet événement “ la chance du Canada français ” qui, pourvu enfin des institutions nécessaires, eut dès lors la capacité de faire entendre ses revendications. D’autres, comme les historiens de l’école de Montréal, ont contredit cette interprétation des faits en soulignant la réalité de la domination anglaise sur la vie économique et politique du Canada, réduisant d’autant la portée des libertés constitutionnelles accordées aux Canadiens.

L’Acte de Québec et la politique volontairement conciliatrice des gouverneurs successifs n’ont pas empêché la lente asphyxie du Canada français sous l’administration anglaise. Au moment où se mettent en place les nouvelles institutions de 1791, la stabilité apparente de la société canadienne cache une mutation interne : de nouvelles couches sociales apparaissent qui seront une clientèle toute trouvée pour les partis politiques.

LE HAUT-CANADA LOYALISTE

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Dans le Haut-Canada, la nouvelle colonie créée en 1791 qui regroupe toutes les terres au-delà des seigneuries à l’ouest de Montréal, la situation est relativement simple. La population qui n’est que de dix mille âmes, est essentiellement anglophone et rurale. Elle se divise nettement en deux classes : les pauvres, arrivés là sans un sou, qui défrichent la terre de peine et de misère, et les Loyalistes qui vivent dans l’aisance grâce aux indemnités obtenues de Londres pour leurs pertes lors de la guerre d’Indépendance. Le Lieutenant-gouverneur Simcoe craint les revendications que les Réformistes-démocrates ne pourront manquer de susciter au Parlement contre le pouvoir exécutif. Il recherche donc une alliance avec les Loyalistes qu’il prétend établir en retour en véritable aristocratie terrienne. Il fera du Haut-Canada un bastion du Loyalisme.

UN BAS-CANADA EN ÉVOLUTION

Plus complexe est la situation du Bas-Canada dont les frontières recouvrent sensiblement celles de l’actuelle province de Québec. En 1791, il est peuplé d’environ 140 000 habitants, dont 10 000 anglophones. Le taux de natalité des Canadiens français est exceptionnel, il atteint des sommets inégalés en Occident, variant entre 40 et 65 pour mille ! Si bien que, malgré une mortalité infantile qui fauche en moyenne un enfant sur quatre, la population est passée de 60 000 habitants en 1760 à 130 000 en 1791 ; elle atteindra le demi-million en 1837, et cela sans immigration notable.

Depuis la Conquête et la modification des flux économiques qui s’ensuivit, la part de la population francophone vivant de l’agriculture passe de 65% à 75%. Elle commence à souffrir du manque de bonnes terres et du morcellement des patrimoines familiaux. Les revenus diminuent et beaucoup d’habitants sont endettés malgré les exceptionnelles bonnes récoltes de 1792 à 1802.

En outre, l’interdiction des religieux-enseignants français maintenue par ordre de Londres depuis le Traité de Paris, le travail de la terre qui mobilise beaucoup de bras, et l’absence de débouchés professionnels pour les étudiants, entraînent une importante régression de l’instruction chez les Canadiens.

Les seigneuries constituent toujours le cadre juridique de répartition des terres. Mais plusieurs familles seigneuriales sont rentrées en France, et bon nombre de celles qui ont préféré rester au pays ont perdu l’influence qu’elles avaient sous l’Ancien Régime. Faute d’emplois rémunérés, des seigneurs sont tombés dans le besoin et ont dû vendre ; c’est ainsi qu’en 1790, le quart des seigneuries – et les plus riches – est entre les mains d’Anglo-écossais. Des parvenus canadiens français en acquièrent aussi. Il va sans dire que ces nouveaux seigneurs n’ont pas l’esprit désintéressé d’un Pierre Boucher et de ses émules du siècle précédent.

L’ÉMANCIPATION DE LA BOURGEOISIE...

Au moment même, la Terreur sévit en France ; or ici, les curés groupés derrière leur évêque sont encore les véritables porte-parole de la population. Mais leur influence décroît notablement auprès de la bourgeoisie. Les œuvres des philosophes dits des “ Lumières ”, surtout celles de Voltaire, sont très répandues. Les premiers journaux, La Gazette de Québec et La Gazette de Montréal, sont aux mains de protestants ou de franc-maçons. Parmi les plus célèbres propagandistes de ces ténébreuses lumières, il faut noter les noms de Jautard, du Calvet et Fleury Mesplet, ce franc-maçon notoire envoyé à Montréal par les États-uniens au moment de la guerre d’Indépendance.

Quant à la population d’origine britannique, si l’on excepte le millier de Loyalistes qui commencent la mise en culture des cantons de l’Est, elle se regroupe essentiellement à Québec et à Montréal. Les Anglo-écossais y dominent le monde des affaires et de la politique en cumulant fréquemment les fonctions. Cependant, si certains veulent tirer un maximum de profits de la Conquête, même au prix de bien des injustices, nous en avons déjà eu des exemples, la plupart ne demandent qu’à vivre en bonne entente avec les Canadiens français.

... À LA REMORQUE DES ANGLAIS

Joseph Papineau
Joseph Papineau

Pour pouvoir jouer un rôle politique dans la colonie, la nouvelle classe de Canadiens français – celle des notaires, des avocats et des marchands les plus habiles – devra nécessairement s’entendre avec cette bourgeoisie anglo-protestante. Joseph Papineau en est un parfait exemple.

Fils d’un tonnelier pauvre, boursier du clergé, il a étudié avec une incroyable énergie pour sortir de la misère. Il réussit brillamment son cours classique, mais il ne s’offre à lui, comme à tous les finissants de l’époque, qu’un choix restreint de carrières : avocat, notaire ou arpenteur. Il opte pour cette dernière profession où il se fait vite une renommée ; les Sulpiciens et le Séminaire de Québec lui confient l’administration de leurs seigneuries dont il améliore la gestion. Après avoir épousé la fille du notaire Cherrier – un beau parti ! – Joseph Papineau devient notaire. Il réussit aussi bien dans son nouvel office que dans le précédent : ses spéculations foncières sont si payantes qu’il acquiert la seigneurie de la Petite-Nation, sur la rive nord de l’Outaouais. Il y déploie tous ses talents d’administrateur et se montre intransigeant envers les censitaires mauvais payeurs.

En 1784, il entre dans le cercle restreint des magnats de la fourrure dominant la vie économique à Montréal, et il adhère au mouvement réformiste qui réclame une constitution parlementaire. C’est alors qu’il se familiarise avec les institutions britanniques et s’adonne à la lecture de Locke, Montesquieu, Voltaire et Rousseau. Aux premières élections, il est élu député sur la liste de Richardson, le plus puissant des marchands de fourrures. Autant dire que s’il est toujours canadien français de langue, son âme ne l’est plus ! Et malgré le chagrin de sa pieuse épouse, il cesse toute pratique religieuse.

La dérive de la bourgeoisie canadienne à cette époque se ressent : un fossé considérable se creuse entre elle et la population pauvre, qu’elle soit rurale ou citadine. La notion maurrassienne de pays légal et de pays réel fait mieux comprendre la situation puisqu’elle permet de distinguer ceux qui profitent du pouvoir démocratique de ceux à qui l’on donne l’illusion de l’avoir, le temps d’une élection.

Ici, à cette époque, cette distinction recouvre une réalité sociologique : le pays légal est surtout le pays riche et protestant, mais il absorbe aussi tout Canadien qui se lance dans la politique, tandis que le pays réel est plutôt pauvre et essentiellement catholique. L’habileté du pays légal sera de se poser en porte-parole on ne peut plus dévoué du pays réel, dissimulant ses intérêts particuliers derrière la noble cause du Canada français. La manœuvre réussit si bien qu’elle trompera jusqu’à nos jours les historiens nationalistes mais démocrates. On n’hésitera pas à chanter les louanges de franc-maçons, de protestants, de libertins et de libéraux, dans la mesure où ils apparaissent comme les défenseurs du Canada-français !

La doctrine de notre Père, l’abbé de Nantes, nous permet de n’être pas dupes.

Voici donc l’histoire véritable de la trahison de la nation catholique et française en Amérique.

PREMIERS BALBUTIEMENTS DÉMOCRATIQUES

La Conquête avec ses conséquences économiques aussi bien que sociologiques, et l’invasion du protestantisme, de la franc-maçonnerie et de la philosophie des “ Lumières ” ont donc déjà profondément mis à mal le Canada français. Mais ce sont les institutions démocratiques qui seront le principal facteur de dissolution de la nation alors que les institutions monarchiques en avaient évité l’assimilation aux lendemains de la défaite de Montcalm.

Les élections de 1792 – les premières – qui doivent choisir les 51 députés de la chambre, se déroulent fort différemment des scrutins actuels. D’une part, ne votent que ceux qui ont quelque bien ; même si le cens électoral n’est pas élevé (5 livres de revenu en ville, 2 livres en campagne), il suffit à limiter pratiquement le droit de vote aux seuls notables. À Trois-Rivières, par exemple, il n’y a que 138 électeurs inscrits pour 3 000 habitants et 375 à Montréal-Ouest, l’une des deux circonscriptions de Montréal qui compte alors 14 000 habitants. D’ailleurs, les candidats sont forcément des gens fortunés puisque la fonction de député est bénévole jusqu’en 1820. D’autre part, les votants expriment leur vote à voix haute et publiquement, ce qui n’aide pas à la sérénité du scrutin surtout lorsque les luttes électorales ont été vives comme à Charlesbourg, par exemple, où une soixantaine de matelots soudoyés bloquaient le bureau de vote.

Sur 51 députés élus, 35 sont francophones avec cependant parmi eux, quatre protestants récemment immigrés. Les Canadiens français qui sont plus des neuf dixièmes de la population ne sont que les trois cinquièmes de la Chambre.

DE PROFONDS BOULEVERSEMENTS

La mise en place de la Constitution de 1791 a deux conséquences capitales presque immédiates. La première : dans chaque village, c’est l’influence du seigneur et surtout celle du curé qui sont battues en brèche par celle du député désormais seul interlocuteur reconnu de l’Administration. Et la seconde : l’alliance objective, vieille de trente ans, du gouverneur anglais et du peuple canadien contre les profiteurs anglais, se fissure puisque ces derniers – et leurs alliés de la bourgeoisie canadienne – ont eu l’habileté de se faire élire députés du peuple !

Ces conséquences tiennent plus au jeu des institutions en elles-mêmes qu’aux circonstances historiques de leur application. Avant même qu’il entre en vigueur, le projet des constituants d’assurer la paix intérieure à la colonie en accordant aux Réformistes une représentation populaire tout en maintenant les pouvoirs du gouverneur, était voué à l’échec. Cela pour une raison que l’abbé de Nantes a suffisamment démontrée dans son Histoire volontaire de France : un parlement, par nature, entre nécessairement en conflit avec le pouvoir exécutif, même lorsque sa majorité lui est favorable. Et à moins d’une réaction musclée de l’exécutif, l’anarchie ou la satisfaction des intérêts étrangers à ceux de la nation résultent de cet incessant conflit.

Les Réformistes anti-catholiques ne s’y sont pas mépris, eux. Ils ont accueilli la nouvelle Constitution avec joie. À Québec, on la fêta fraternellement chez l’aubergiste juif John Francks à l’enseigne du Hall des francs-maçons, rue Buade. Et on fonda “ spontanément ” un club constitutionnel pour louer les “ bienfaits ” de la Constitution.

Il a souvent été dit que la Conquête avait préservé le Canada des malheurs de la Révolution. C’est exact pour les persécutions religieuses qui y ont été évitées, mais les principes de l’esprit révolutionnaire ne s’y sont pas moins répandus et les institutions qui en résultent implantées. Bref, c’est déjà une révolution tranquille.

PREMIÈRES LUTTES PARLEMENTAIRES

À peine réunie pour sa première session, la Chambre ne tarde pas à devenir le théâtre de débats houleux pour la désignation de son président. Finalement, c’est Jean-Antoine Panet qui est élu par la majorité francophone. Puis les débats reprennent, cette fois-ci sur la langue officielle : doit-on employer la langue de la majorité ou celle du souverain ? L’assemblée décide l’égalité des langues, mais le gouverneur, sur ordre du ministre anglais, s’oppose à cette décision et décrète en vertu de ses pouvoirs propres que la langue officielle sera l’anglais avec traduction en français.

Débat sur les langues
Débat sur les langues, 1792

Ce n’est que mise en train. Le débat prend plus d’ampleur lorsqu’il s’agit de déterminer le mode de perception des taxes, une nouveauté absolue pour la colonie. Il faut des taxes, c’est incontestable ; mais que taxer ? Les marchands anglo-écossais veulent que ce soit la propriété foncière, mais la majorité francophone décide que ce seront les produits importés ! Attention cependant à ne pas conclure hâtivement à la querelle de “ races ” ; il ne s’agit en fait que d’une divergence d’intérêts particuliers. La preuve : les Conseils législatif et exécutif composés en majorité de propriétaires terriens anglophones, acceptent cette loi approuvée aussi par le gouverneur Milnes.

Cependant, la population ne s’intéresse guère à ces querelles qui n’occupent que le pays légal dont la différence avec le pays réel se manifeste par le vote de lois contre l’influence de l’Église.

DÉMOCRATIE ANTICLÉRICALE

Mgr Hubert, évêque de Québec
Mgr Hubert, évêque de Québec

En 1796, l’Assemblée prétend s’arroger le droit d’unir ou de diviser les cures. L’Évêque de Québec, Mgr Hubert, intervient aussitôt auprès du gouverneur qui obtient du Conseil législatif le rejet de la loi. Heureusement, mais si le gouvernement avait été responsable devant la Chambre, personne n’aurait pu s’opposer aux diktats des représentants anticléricaux du peuple catholique : l’Église aurait ainsi été peu à peu dépouillée de ses droits et prérogatives dès 1796 !

En 1801, la Chambre vote l’Institution royale pour mettre sur pied l’enseignement public. C’est en réalité une machine de guerre protestante pour contrôler l’éducation. Quelques fanatiques haut placés : le juge-en-chef Sewell, le lord Bishop Mountain et le secrétaire des gouverneurs Ryland, l’ont concoctée. Le gouverneur Craig qui arrive en 1806, leur sera un auxiliaire de choix. Les élus francophones ouvertement incroyants comme Pierre Bédard, Louis Bourdages, Joseph Papineau, le juge de bonne, etc, ne s’opposent pas à leurs manœuvres...

C’est dans ce milieu, à Québec, que se fonde en 1806 le journal Le Canadien. Mgr Plessis se plaint « des ravages que fait ce misérable papier dans le peuple et dans le clergé. » Le pauvre évêque de Québec qui n’y peut rien a au moins le mérite de la clairvoyance : « Il est certain que l’esprit de démocratie a fait des ravages parmi nous et j’en suis au désespoir. »

ENCORE DES LUTTES PARLEMENTAIRES

L’histoire parlementaire a quelque chose de fastidieux. De 1806 à 1812, le gouverneur Craig et la Chambre ne cessent de se combattre. Tout est prétexte à l’un ou l’autre pouvoir pour affirmer son autorité et rogner celle de l’autre. C’est ainsi qu’après avoir obtenu la taxation indirecte, les députés du parti populaire se sont mis en tête d’exclure les députés de Bonne et Ézéchiel Hart : ils prétendent qu’une assemblée représentative des Canadiens français ne peut souffrir parmi elle un juge qu’on dit vendu aux Anglais et un Juif ! Les articles du Canadien attisent la bagarre. Le gouverneur Craig en vient à faire emprisonner le député Pierre Bédard, puis d’autres meneurs de l’Assemblée, et finalement à dissoudre la Chambre.

Là encore, apparemment c’est une guerre de races, alors qu’en réalité ce n’est qu’une lutte d’influence entre le clan Stuart et le clan Sewell, le premier étant plus de gauche que le second comme on dirait aujourd’hui. On ne sait quelle tournure auraient prise les événements si la deuxième invasion du Canada par les troupes américaines n’avait rétabli l’unanimité de nos députés.

LA GUERRE DE 1812-1814 :
PREMIÈRE MANIFESTATION DE COHÉSION NATIONALE

Les préliminaires de cette guerre, si complexes soient-ils, révèlent les désirs d’expansion des États-Unis qui pensent profiter des difficultés de l’Angleterre en guerre contre Napoléon pour mettre la main sur ses colonies voisines. Sachant que le gouverneur anglais dispose de peu de troupes pour défendre l’immense frontière, les dirigeants états-uniens envisagent la conquête du Canada comme une “ promenade militaire ”. N’oublions pas que les États-Unis ont alors une population dix-huit fois supérieure à la nôtre.

C’était méconnaître l’immense élan de ferveur patriotique que la menace de l’invasion provoque. Aussitôt, c’est l’union sacrée, les parlements du Haut comme du Bas-Canada votent les crédits nécessaires à la guerre, les milices se rassemblent et rêvent d’en découdre ; beaucoup de députés rejoignent leur poste d’officier, souvent avec fierté, et de nombreux volontaires s’engagent.

Le clergé encourage les défenseurs du pays : « Le champ de bataille où vous perdriez la vie ne serait que l’escabeau qui ferait monter au Ciel le soldat qui mourrait pour son Dieu, sa patrie et son Roi. »

Bref, c’est une manifestation indéniable d’un sentiment nationaliste canadien qui transcende l’appartenance à la “ race ” et même à la religion. Pourtant, c’était une occasion rêvée pour les Canadiens français de secouer le joug anglais, car Londres n’aurait pas eu les moyens de garder sa colonie si les soldats des États-Unis avaient été accueillis en libérateurs.

La stratégie yankee est simple : deux armées attaquent le Haut-Canada, une troisième s’attaque au Bas-Canada par le Richelieu, la voie d’invasion désormais traditionnelle, puis elles doivent converger vers Montréal. Les principaux combats, le plus souvent à l’issue incertaine, se déroulent dans le Haut-Canada.

S’y illustrent des héros tels que le général Brock, chef intelligent qui meurt au combat de Queenston en 1812 ; Tecumseh, le chef indien qui se sacrifie à Moraviantown en 1813, et l’héroïne Laura Secord qui renseigne les troupes anglaises au péril de sa vie. Mais les troupes états-uniennes sont peu valeureuses, et bien qu’elles s’emparent de York, l’actuelle Toronto alors bourgade de 800 habitants, leur progression est arrêtée.

LA BATAILLE DE CHATEAUGUAY

Bataille de Châteauguay
Bataille de Chateauguay

Cependant, le combat décisif a lieu près de Chateauguay le 26 octobre 1813, lorsque l’armée américaine attaque l’avant-garde de l’armée de Watteville. Le colonel Charles de Salaberry à la tête de 500 Voltigeurs canadiens et d’Écossais catholiques manœuvre si bien que l’armée américaine forte de 5000 hommes, s’illusionnant sur l’importance des forces canadiennes, est non seulement arrêtée, mais bat en retraite, entraînant dans son repli les autres armées d’invasion.

Quoique les pertes fussent minimes (70 Américains et 5 Canadiens), ce qui passa à la postérité sous le nom de “ bataille de Chateauguay ”, n’en est pas moins une date importante de notre histoire. Pour la première fois, Canadiens anglais, irlandais, écossais et français, combattant côte à côte, se sont sentis solidaires, unis par un même amour du Canada qu’ils ont défendu au prix de leur vie.

Il s’ensuit que non seulement la Couronne britannique rend hommage au loyalisme des Canadiens français en leur décernant le titre de “ sauveurs du pays ”, mais elle accorde officiellement à Mgr Plessis la reconnaissance de son titre d’évêque de Québec. Même Jonathan Sewell, ultra-loyaliste et grand assimilateur s’il en est, abandonne alors sa méfiance viscérale. Décidément, nationalisme et respect du pouvoir établi sont propices au catholicisme.

Les Canadiens avaient tout intérêt à conserver précieusement cette union nationale forgée par la défense du pays. Mais encore aurait-il fallu renoncer à la lutte organisée pour le pouvoir, autrement dit à la démocratie.

Mgr Plessis, premier archevêque de Québec (1763 – 1825)

Comme nous en prévient l’abbé de Nantes au point 66 des 150 Points : « Tout citoyen est roi, la Déclaration des droits de l'homme à la main. Ici comme là, il en résulte une agitation perpétuelle, faite d'oppositions d'idées, de conflits d'intérêts, d'ambitions de personnes, d'influences et de pressions étrangères corruptrices. » Mgr Plessis, évêque de Québec depuis 1801, aurait souscrit avec enthousiasme à cet avertissement, lui qui constatait que le nouveau régime l’obligeait à combattre à la fois le fanatisme protestant ou anticlérical des bureaucrates et les tentations d’insoumission de ses ouailles. Il estimait que « la Constitution est mal calculée pour le génie des Canadiens et elle n’a eu d’autre effet réel que de rendre les administrés insolents envers les administrants. L’esprit de démocratie et d’indépendance a gagné le peuple et il est passé de là au clergé, » dit-il en faisant allusion au conflit qui oppose alors les Sulpiciens de Montréal à son coadjuteur, Mgr Lartigue.

Un homme va alors pousser à l’extrême la revendication démocratique et remettre en cause le bien de la nation française au Canada : Louis-Joseph Papineau...