LA RENAISSANCE CATHOLIQUE
N° 252 – Avril 2020
Rédaction : Maison Sainte-Thérèse
Le bienheureux Clemens-August von Galen :
un évêque se dresse contre le laïcisme
JÉRÔME Fehrenbach a publié aux éditions du Cerf une passionnante biographie du Lion de Münster, Mgr Clemens-August von Galen, mort en 1946, béatifié en 2005 par le pape Benoît XVI, sous le titre « Von Galen, un évêque contre Hitler ».
Nos évêques auraient tout intérêt à la lire et à méditer son exemple. En effet, nos gouvernements adoptent actuellement des législations de plus en plus permissives pour l’aide médicale à mourir, autrement dit l’euthanasie ou le suicide assisté, ce qu’Hitler appelait « la mort miséricordieuse ». Parcourir alors la vie et le combat de Mgr von Galen nous permettra de saisir la décadence de notre société, aujourd’hui favorable à 62 % à ce qui était considéré comme une abomination il y a soixante-dix ans. De même, on est saisi par la décadence de notre Église qui n’a plus le courage ni le moyen de s’y opposer. Notre société serait-elle devenue plus totalitaire que celle de l’Allemagne sous Hitler ?
LA PRÉPARATION AUX COMBATS DES TEMPS MODERNES
Clemens-August von Galen appartient à une glorieuse famille de la noblesse westphalienne. Né le 16 mars 1878, il porte le prénom de son arrière-grand-oncle, Mgr Clemens-August Droste zu Vischering, archevêque de Cologne et grand opposant au Kulturkampf de Bismarck. Son père est le neveu de Mgr von Ketteler, évêque de Mayence et député, lui aussi opposant à Bismarck ; un autre de ses oncles est évêque auxiliaire de Münster, et sa tante Hélène est l’épouse du comte Clemens Droste zu Vischering et la mère de la bienheureuse Marie du Divin Cœur, elle-même messagère de Notre-Seigneur pour obtenir de Léon XIII la consécration du monde à son Sacré-Cœur.
Il reçoit une forte éducation catholique, où la piété nourrit le combat pour la défense de l’Église, puisque son père est lui aussi député du Zentrum, le parti catholique allemand qui s’oppose à la politique anti-catholique de la Prusse. « Plus que par des paroles, témoigne une de ses sœurs, nos parents nous ont appris par leur exemple, que le seul devoir de notre vie est de suivre Notre-Seigneur, Lui seul étant notre joie et notre honneur. Et pour suivre Jésus-Christ crucifié, ils nous ont montré qu’il n’y a pas d’autre chemin que de se renoncer et de porter sa croix. »
À cette éducation familiale s’ajoute celle des jésuites, quoique chassés d’Allemagne. En avril 1890, à 12 ans, au lendemain de sa première communion, Clemens-August est envoyé dans un de leurs collèges en Autriche. Le jour de son arrivée, lors de la cérémonie de clôture du mois de Marie, il y reçoit une grâce particulière d’ardente dévotion à la Sainte Vierge, à laquelle il sera fidèle toute sa vie.
Sa mère le tient régulièrement au courant des affaires familiales et politiques par d’admirables lettres pour entretenir le feu sacré dans l’âme de son fils qui se montre par ailleurs un excellent élève.
Sa vocation sacerdotale se développe sans obstacle, que seule ébranle la perspective de devoir retourner en Autriche : il est si attaché aux siens. Mais enfin, il s’y résout et trouve là-bas la ferme direction du Père Hoffman, qui jouit d’une réputation de sainteté. Il inculque à ses élèves une grande dévotion au Sacré-Cœur, d’autant plus que nous sommes en 1899, l’année de la consécration du monde au Sacré-Cœur. Dès cette époque, notre jeune lévite est déjà un homme d’oraison.
L’évolution du Zentrum ne le laisse pas indifférent. Ce parti catholique allemand, dont sa famille, comme celle de la bienheureuse Marie du Divin Cœur, était des membres actifs, avait été sous Pie IX le fer de lance contre l’hégémonie prussienne et protestante en Allemagne. Mais là-bas aussi, Léon XIII imposa le ralliement. Toutefois, Clemens-August, ainsi que ses parents et ses frères, restera toujours attaché au premier Zentrum et, devenu évêque, il s’emploiera, mais en vain, à le faire renaître pour unir les catholiques face à l’emprise nazie.
DISCIPLE DE SAINT PIE X
Ordonné prêtre le 28 mai 1904, il est nommé vicaire à la cathédrale de Münster. À l’occasion du cinquantième anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, il se rend à Rome. Il gardera un souvenir impérissable de son audience privée avec saint Pie X. Il écrit à sa mère : « Comment décrire l’impression que Pie X me fit ! Il est très, très différent de Léon XIII. La bonté et la gentillesse mais aussi une gravité sereine se lisent sur les traits de son beau visage. On est loin de voir en lui un souverain comme Léon XIII. En effet, sa bonté ne nous donne pas cette impression de condescendance. »
Deux ans plus tard, le voici envoyé comme vicaire à Saint-Matthias de Berlin, une grosse paroisse de 30 000 âmes, dans cette ville industrielle, à grande majorité protestante, où les socialistes déploient une active propagande auprès des nombreux chômeurs. Beaucoup se détournent de l’Église.
Pour les garder ou les ramener, l’abbé von Galen fait preuve d’un grand zèle, ajoutant à la charge ordinaire d’un vicaire la prédication de missions. Il y prêche surtout la dévotion au Sacré-Cœur et recommande la consécration des familles.
Il a aussi un impressionnant rayonnement sur les sept cents jeunes artisans et ouvriers qui fréquentent le patronage paroissial. Avec l’héritage de son père, il leur construit une maison de deux cents lits et une église dédiée à saint Clément Hofbauer, récemment canonisé par saint Pie X. À Pâques, 480 jeunes ouvriers communient, c’est un résultat inespéré. En décembre 1910, il note : « Nous avons eu 80 000 communions contre 28 000 en 1906. »
À la différence de beaucoup de prêtres et d’évêques de cette époque, il suit avec zèle les recommandations de saint Pie X, dont il apprécie « le langage franc et intrépide, en ce temps où tout est confus et vide de pensée ».
Refusé comme aumônier militaire durant la Première Guerre mondiale, il assiste sans étonnement aux troubles qui la suivent. « Les pauvres gens déçus, à qui l’on avait promis le paradis sur terre avec la révolution, la république et le socialisme, se disputent maintenant avec violence les biens et les jouissances. »
CONTRE LE LAÏCISME
Devenu curé de Saint-Matthias, il engage son premier combat pour la défense des écoles libres, mais sans illusion, puisque son évêque est seul à protester, lui aussi. « Tout cela ne servira à rien tant que les évêques ne prendront pas la chose en main. »
Il ne se décourage pas non plus. Il veut faire appel à l’élite naturelle de la nation allemande, à son aristocratie catholique. Or, celle-ci est divisée, conséquence lointaine du ralliement imposé par Léon XIII. Lucide, il écrit à ses frères :
« Si la situation continue ainsi, les intrépides devront aller de l’avant tout seuls : dans la vieille Rome païenne, les premiers chrétiens durent s’abstenir de participer aux fêtes et réunions de leurs concitoyens. Il se peut que le nouveau paganisme ne puisse être vaincu que par de tels sacrifices.
C’est le tout début des manifestations publiques du nazisme, à Weimar tout d’abord, puis à partir de 1927 à Nuremberg. Âme d’oraison, il est aussitôt révulsé par les discours d’Hitler, alors qu’une partie du Zentrum, fascinée, s’égare à voir en lui le sauveur de la République de Weimar !
En 1929, il est nommé curé de la paroisse Saint-Lambert, la plus importante de Münster. Il y déploie le même zèle pastoral qu’à Berlin, organisant l’adoration perpétuelle, prêchant la dévotion au Saint-Sacrement et au Sacré-Cœur, avec les mêmes bons fruits.
Pourtant, il ne cache pas son opposition au parti nazi. En 1932, il publie une brochure Contre la peste du laïcisme. Il essaie, mais en vain, d’endiguer ce pangermanisme dans l’aristocratie. Malgré les injures et le mépris de certains cousins et d’anciens amis, il refuse fermement l’alliance avec les nazis, se fondant sur la doctrine catholique et l’obéissance à l’Église.
Le Zentrum finit par se dissoudre et Hitler accède au pouvoir légalement le 30 janvier 1933, mais la Westphalie est une des régions où il a recueilli le moins de voix.
ÉVÊQUE DE MÜNSTER
Ce même mois de janvier 1933, le siège épiscopal de Münster est vacant à la suite de la mort de son titulaire. De longues et délicates tractations commencent entre le Saint-Siège et le gouvernement, qui négocient en même temps un concordat grâce auquel Hitler espère rallier les votes des catholiques.
Finalement l’accord se fait sur l’abbé von Galen, qui connaît bien le diocèse, sa population, son clergé et qui jouissait de l’entière confiance de son prédécesseur. Certes, il ne s’est pas fait remarquer à Rome, même si son nom avait déjà circulé trois ans auparavant pour le siège d’Aix-la-Chapelle. Le rapport du nonce ne lui reproche qu’une certaine raideur aristocratique et lui dénie une intelligence brillante. Heureusement, le cardinal Pacelli, secrétaire d’État de Pie XI, et qui lui succédera, le considère comme le candidat adéquat pour affronter les difficultés avec le nouveau régime allemand, qu’il pressent en bon connaisseur de l’Allemagne.
Mgr von Galen sera donc le premier évêque nommé dans le cadre du concordat tout juste signé. Il choisit comme devise : Nec laudibus, nec timore. « Ni par la flatterie, ni par la peur », autrement dit fidèle à son devoir quoi qu’il arrive, quoi qu’il lui arrive.
Le concordat exige que le nouveau prélat prête serment aux autorités, sans autre précision. Mgr von Galen aurait préféré s’en acquitter devant le Président de la République, et non devant le dignitaire nazi qu’on lui impose, en l’occurrence Goering.
Par précaution, il en rédige lui-même le texte et fait en sorte que son allégeance au gouvernement soit subordonnée à son obéissance absolue au Pape et à sa conscience de chrétien. Il le précise à Goering : « Maintenant que le chef suprême de l’Église catholique m’a revêtu d’une fonction assortie d’un périmètre d’action et d’influence plus étendu que celui dont je jouissais auparavant, je vais tenir particulièrement à cœur d’exercer cette influence pour le bien commun de notre chère patrie allemande. L’accueil aimable de Votre Excellence me donne la garantie que je trouverai toujours une oreille attentive auprès du gouvernement lorsque, fidèle à mon serment, je croirai nécessaire d’appeler l’attention sur les dangers qui menaceraient notre peuple. »
Plus tard, face aux récriminations de ces mêmes autorités contre son franc-parler, il leur en rappellera les termes agréés par eux.
Son intronisation, le 28 octobre 1933, comme 70e successeur de saint Ludger se passa relativement bien, malgré l’emprise des nazis : six cents S. A. porteurs de torches le reconduisirent à l’évêché. L’effet fut saisissant, mais pas de son goût.
LE DIOCÈSE DE MÜNSTER
Le voilà donc à la tête du troisième diocèse d’Allemagne : 460 paroisses, 1500 prêtres séculiers, sans compter les religieux ; 40 000 baptêmes, 10 000 mariages et des dizaines de milliers de confirmations par an. C’est le diocèse d’Allemagne où on communie le plus. Chaque année entre 50 et 100 ordinations. 37 % des hommes appartiennent à un mouvement, une association ou une confrérie catholique.
Il faut y ajouter un sanctuaire à la Sainte Vierge, situé à 11 km de Münster, Notre-Dame de Telgte, dont il est un ardent dévot depuis son enfance ; évêque, il s’y rendra au moins une fois par mois, et parfois à pied comme un simple pèlerin.
Le dimanche le plus proche du 13 juillet, Münster est aussi le théâtre d’une grande manifestation de dévotion populaire : la procession du Grand Incendie. À l’origine, au XVIIe siècle, c’était une démonstration de foi eucharistique face aux protestants ; Mgr von Galen va en faire une démonstration de résistance au paganisme hitlérien.
Car très vite, il est très aimé des fidèles. Sa très haute taille, sa dignité, sa bonté, ses prédications simples, sa vraie piété lui attirent les cœurs. Les films d’archives nous ont gardé des images de manifestations touchantes d’affection populaire lors de ses tournées de confirmations.
Les autorités nazies elles-mêmes ont été d’abord très satisfaites du nouvel évêque de Münster, malgré les avertissements des responsables locaux qui connaissaient ses convictions. N’avait-il pas loué publiquement le gouvernement pour la signature du concordat ? Six mois plus tard, elles mesureront leur erreur.
PREMIÈRES ESCARMOUCHES
En fait, il n’a pas attendu plus d’un mois après son installation, pour mettre en garde certains anciens membres du Zentrum, dont le vice-chancelier von Papen, contre la dérive autoritaire du gouvernement, contre « une éradication contre-nature de la raison individuelle et de la liberté personnelle ».
Deux mois plus tard, il est déjà en mesure de dresser un catalogue précis des atteintes au concordat récemment signé, surtout en ce qui concerne l’endoctrinement antichrétien au sein des jeunesses hitlériennes, où les jeunes catholiques sont pratiquement obligés de s’inscrire ! Sur son ordre et sous sa responsabilité, les étudiants en théologie refusent de se laisser incorporer de force dans les S. A., la milice paramilitaire du parti nazi.
Les partisans d’Hitler ne sont pas majoritaires dans son diocèse, à peine 25 % des voix aux élections de 1933, mais ils n’ont pas non plus de véritable opposition politique unie. Seule l’Église catholique aurait la force et l’influence pour faire barrage. Mgr von Galen comprend que c’est son devoir de parler haut, il le dit dans sa lettre pastorale de mars 1934 :
« Une parole de vérité et de clarté, dit-il, est d’autant plus nécessaire quand les ennemis de la religion, ainsi qu’il se produit actuellement, ne s’attaquent pas seulement à tel ou tel élément de la doctrine de l’Église, mais nient et falsifient les fondements mêmes de la religion ainsi que les plus saints mystères de la Révélation. »
Lorsqu’en février 1934, le Vatican met à l’index Le mythe du XXe siècle, le livre de l’idéologue du parti nazi, Rosenberg, où sont exposées ses théories racistes, un prêtre et un universitaire catholiques en rédigent une réfutation. Ils demandent au cardinal Schulte, archevêque de Cologne, de la préfacer. Comme celui-ci se dérobe, ils se présentent à Mgr von Galen qui accepte tout de suite sans même lire l’ouvrage.
« Cette attaque contre le christianisme, écrit-il, telle que nous la vivons aujourd’hui au sein de notre peuple, dépasse en violence destructrice tout ce que nous avons connu par le passé. Tout ce qui a été accumulé dans les écoles des libres penseurs depuis des décennies et des siècles, voilà que l’on veut maintenant le répandre dans les couches les plus larges du peuple, et plus encore, aller jusqu’à le porter dans les cœurs de la jeunesse. »
Il précise : « On porte atteinte aux fondements de la religion et de la culture dans son ensemble, quand on détruit la loi morale au cœur de l’homme. C’est pourtant bien ce que font ceux qui nous déclarent que la moralité ne serait valable que pour autant qu’elle favoriserait la race. À l’évidence, la race est ainsi placée au-dessus de la morale, et le sang au-dessus de la foi.
Il ose rappeler ensuite les engagements solennels d’Hitler au moment du concordat, qui avait déclaré que l’enseignement du christianisme constituait la base de la construction d’un Reich allemand renouvelé.
Dès ce moment, il comprit que ce serait un combat sans merci, comme en témoigne la fin de sa lettre pastorale : « Rassemblez-vous autour de vos autels, sur lesquels on offre en sacrifice le sang du Fils de Dieu, qui est notre rédempteur et notre salut. Prenez part à la vie de l’Église, préservez les mœurs du passé chrétien et avant tout pratiquez l’amour, car c’est à l’amour que l’on reconnaîtra les disciples du Seigneur. Alors vous aurez la confiance. Le Christ, Notre-Seigneur, nous a prédit que le monde nous haïrait [...] Nous formons sur cette terre l’Église militante [...] Acceptons avec joie, si Dieu le permet, à l’instar des martyrs, de supporter les persécutions. »
ENTHOUSIASME POPULAIRE
Tout au long de l’année, il revient sur ce thème qui le hante et qui ne détourne pas les fidèles, au contraire. Le 9 juillet 1934, lors de la procession du Grand Incendie, il s’en prend au pangermanisme d’Hitler :
« Donc, la nation, le peuple, la race sont dans leur pensée “ le commencement et la fin ”, le Dieu devant lequel chacun doit se prosterner. Et nous ? Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas renoncer à cette connaissance que nous avons reçue, qu’il y a quelque chose de plus élevé que la race, le peuple, la nation, qu’il y a quelque chose de suprême et de dernier, qui se dresse au-dessus des peuples et des nations : le Dieu éternel et tout puissant, le créateur et le seigneur des peuples et des nations. »
À partir de la procession à la Vierge du 25 mai 1935, les catholiques vont s’approprier les manières d’exalter le führer, mais en les appliquant au Christ, à l’Église, à leur évêque, comme un fonctionnaire de police en rend compte :
« Les cris l’ont accompagné jusqu’à ce qu’il atteigne l’évêché. Alors la foule a repris en chœur : “ Nous voulons voir notre évêque ” [c’était l’appel des foules nazies lorsqu’elles appelaient Hitler et qu’il tardait à se montrer] L’évêque s’est montré à la fenêtre et a été de nouveau accueilli par des saluts et des applaudissements. Il a distribué sa bénédiction. L’assistance, la main droite levée [comme le salut hitlérien, mais là avec deux doigts tendus pour prêter serment] a entonné “ Fermement tiendra le lien de mon baptême ! ” Une fois le chant terminé les chœurs ont repris, l’évêque s’est de nouveau montré à la fenêtre, a donné sa bénédiction. Les présents ont répondu avec des saluts et des applaudissements. Alors on a chanté le “ Seigneur nous te louons ”, on a dit le credo, avec la main droite levée... »
Ce rituel spontané clôturera désormais toutes les grandes interventions de Mgr von Galen.
Il est dès lors inévitable que le climat s’alourdisse entre les autorités civiles et l’évêque. Les nazis organisent à Münster un rassemblement les 6 et 7 juillet avec Rosenberg en vedette. Les jours précédents, des énergumènes font du grabuge sous les fenêtres de l’évêché et des rixes éclatent en ville. Craignant le pire, Mgr von Galen écrit au gouverneur de la région, un ancien ami, pour lui demander d’intervenir. Mais sa lettre, rendue publique, aggrave son cas puisqu’il y accuse les partisans d’Hitler d’être des semeurs de troubles.
Le rassemblement a lieu comme prévu, les discours contre l’évêque se succèdent. Par exemple, un responsable des jeunesses hitlériennes déclare : « Nous allons vaincre monsieur Clemens-August comte von Galen et nous serons toujours là, même lorsque Clemens-August ne sera plus là. »
Mais le lendemain, 19 000 catholiques l’acclament ; il leur tient un discours d’une gravité extraordinaire. Après avoir évoqué ses prédécesseurs persécutés, il continue :
« J’ignore si en ce qui me concerne des choses semblables m’attendent, et si je serai jugé assez digne de souffrir des humiliations pour le nom de Jésus, pas seulement à travers du dédain et des reproches, mais aussi par la privation de la liberté, par de mauvais traitements et des souffrances. Si d’aventure la Providence divine m’honorait d’être ainsi à la suite des apôtres, alors j’espère que la grâce de Dieu me conservera la volonté de tout supporter plutôt que de m’écarter du chemin du devoir, que l’assistance de Dieu me donnera assez de lumière et de forces dans les heures difficiles pour égaler les anciens évêques de Münster en esprit de sacrifice et en fermeté. Dans cette perspective, je remets ma confiance en Dieu seul et j’ai la conviction que par votre amour, votre prière et votre fidélité, vous tiendrez bon comme il y a soixante ans, lorsque par la violence on sépara le berger de son troupeau.
LA STRICTE DÉFENSE DE LA VÉRITÉ ET DES DROITS DE L’ÉGLISE
Cependant, avec sagesse, il rappelle à son clergé qu’il faut rester sur le terrain de la religion, et non pas de la politique, pour que la persécution paraisse à l’évidence dirigée contre le Christ et l’Église et ne prenne pas l’aspect d’une lutte contre des adversaires politiques. « Ses sermons et ses communications, témoigne un de ses prêtres, se gardaient bien de pénétrer le terrain politique ; ils n’attaquaient personne de manière individuelle, ils n’appelaient pas explicitement à la résistance, ils qualifiaient seulement de péché ce qui, dans la conception chrétienne, est un péché. »
En octobre 1936, il tient un synode sur un thème apparemment anodin : « La communauté paroissiale, communauté vivante des membres de l’Église unis dans le Christ. » Il s’agit en fait de coordonner la résistance des catholiques dans les paroisses, malgré la suppression de leurs différents mouvements par le pouvoir. Il ne fait, là encore, qu’appliquer les directives de saint Pie X sur l’Action catholique.
Cette organisation ne tarde pas à faire ses preuves. À la suite d’une lettre de protestation de l’évêque, lue en chaire, contre la décision du ministre provincial des cultes et de l’enseignement, ordonnant la suppression des croix dans les salles de classe, des catholiques assistent en masse à une réunion où l’homme politique doit prendre la parole. Malgré la présence du service d’ordre nazi, ils font bloc pour l’empêcher de parler jusqu’à ce qu’il annonce l’annulation de sa mesure. Aussitôt, toute la salle s’apaise. Le lendemain, tous les curés lisent en chaire une nouvelle lettre pastorale de leur évêque, cette fois pour féliciter les fidèles.
Deux ans plus tard, la lutte reprendra à propos de la suppression des écoles confessionnelles et de l’enseignement religieux dans les établissements publics. Questions toujours actuelles... Ce qui ne l’est malheureusement plus, c’est la réaction épiscopale.
Si le gouvernement n’envisage pas encore de s’en prendre à Mgr von Galen, la Gestapo arrête de ses proches collaborateurs qui sont mis au secret. Pensant que cela pourrait lui arriver, l’évêque ordonne à tous ses curés de faire sonner le tocsin tous les jours entre midi et une heure, dès que leur parviendrait la nouvelle d’un acte de violence contre lui.
En 1936, la translation des reliques des martyrs de Xanten, récemment découvertes, donne une nouvelle occasion à Mgr von Galen de galvaniser la résistance des fidèles au paganisme. Après avoir rappelé l’histoire de ces soldats romains, martyrs malgré leur loyalisme à l’empire, il en vient à évoquer le martyre actuel de prêtres et de chrétiens disparus.
« Il y a en terre allemande des tombes à la terre fraîchement retournée, dans lesquels reposent les cendres de gens que le peuple catholique considère comme des martyrs de la foi, parce qu’ils ont exposé leur vie en témoignage de l’accomplissement du devoir devant Dieu et la patrie, devant le peuple et l’Église, et l’obscurité de leur mort reste enveloppée et entretenue de manière angoissante. (...) Ne vous étonnez pas, si Dieu, dans sa bonté, nous envoie des temps de mise à l’épreuve. Notre sainte Église est l’Église des martyrs ! »
Les autorités ne cachent alors plus leur colère. Mais cela n’impressionne pas Mgr von Galen qui s’en prend ensuite aux lois censées protéger la pureté de la race aryenne par l’élimination ou la stérilisation des handicapés.
Furieux, les nazis ordonnent à la police de perturber la procession du Grand Incendie pour laquelle une foule plus nombreuse que jamais s’est rassemblée. La place de la cathédrale est soudainement fermée pour empêcher la plus grosse partie des fidèles d’entendre l’évêque prêcher. Peine perdue. Une masse compacte enfonce tout, et ce sont des marques de respect, d’hommage et des acclamations à n’en plus finir qui ponctuent le sermon et le retour à l’évêché de celui qu’on surnomme désormais le Lion de Münster.
LA DIFFUSION DE L’ENCYCLIQUE MIT BRENNENDER SORGE
Lorsqu’en mars 1937, Mgr von Galen reçut secrètement l’encyclique Mit Brennender sorge de Pie XI, condamnant le nazisme, il ne fut pas surpris, puisque le Pape l’avait consulté lors de son séjour à Rome en janvier. Il se rendit aussitôt chez l’imprimeur habituel des documents du diocèse, pour lui laisser le choix de refuser le travail, compte tenu des risques énormes. Mais ce bon chrétien réclama au contraire cet honneur. Il réussit à en tirer clandestinement 120 000 exemplaires ; tout put être distribué aux curés dans le plus grand secret afin d’être lu en chaire le dimanche des Rameaux dans toutes les églises d’Allemagne, sauf une. Le retentissement fut considérable.
Dès lors, le pouvoir, notamment le ministre Goebbels, cherche un moyen d’éliminer l’évêque de Münster. Malgré les menaces, 10 000 catholiques se massent dans sa cathédrale le 30 mai, pour entendre sa protestation contre l’arrestation de l’imprimeur et la destruction de son établissement.
Mais deux mois plus tard, devant un million de catholiques participant au grand pèlerinage d’Aix-la-Chapelle, il prêche le calme avec sagesse, rappelant qu’il faut s’en tenir à la défense de la vérité et de la liberté de l’Église.
Le 9 novembre 1938, lors de la nuit de cristal qui donne le signal de la persécution violente des Juifs, Mgr von Galen est en tournée de confirmations. Sans perdre un instant, il contacte le rabbin de Münster pour lui proposer son assistance. Mais celui-ci lui demande de ne pas intervenir pour éviter des représailles pires encore.
Un jour, écrivant à Hitler pour protester contre la suppression des écoles confessionnelles et des associations de jeunesse catholiques, il termine par cet avertissement :
« À la longue, va grandir dans la jeunesse une représentation déformée du caractère national, au point que finalement ce n’est plus le respect du droit, mais seulement la violence physique et le sentiment de crainte qui seront par nécessité les seuls appuis de la vie sociale, jusqu’à ce que, quand ces fondements factices auront fléchi, tout s’effondre dans un chaos général. »
Silencieux au moment de la déclaration de guerre contre la France et l’Angleterre en 1939, il soutient deux ans plus tard l’offensive contre la Russie en raison de la perversité du bolchévisme. Mais à l’encontre d’une partie de l’épiscopat plus timorée, il affirme :
« L’état de guerre nous suggère la retenue, mais les autres tiennent cette retenue pour de la faiblesse, si l’autre partie instrumentalise l’état de guerre pour détruire la liberté et les droits de l’Église de manière brutale, dans ce cas nous devons nous poser la question du bien-fondé de notre action. »
LES TROIS SERMONS DE JUILLET 1941
Le 10 juillet 1941, Münster subit un premier bombardement ; on relève 50 morts et 200 blessés. Malgré cela, depuis quelques semaines, la Gestapo investit les couvents, chasse les religieux et confisque tous leurs biens, l’évêque se doit de protester.
Le 13 juillet, l’église Saint-Lambert est pleine pour l’écouter. Il dresse une liste précise des exactions de la police hitlérienne dans son diocèse. Il dénonce les mesures arbitraires d’arrestation, les camps de concentration où sont envoyés sans jugement des innocents, et parmi eux deux de ses proches, arrêtés uniquement parce qu’ils étaient ses collaborateurs. Annonçant à la foule que lui aussi pourrait être appréhendé, il achève par ces mots :
« Puisqu’alors je ne pourrai plus parler publiquement, je veux parler publiquement en ce jour, je veux lancer aujourd’hui cet avertissement public sur les progrès qui s’accomplissent sur un chemin qui, et j’en ai la ferme conviction, appelle le châtiment de Dieu sur les hommes et qui conduira notre peuple, notre patrie, vers son malheur et sa déchéance totale. »
Il récidive le dimanche suivant, qualifiant la Gestapo d’ « ennemi de l’intérieur ». C’est ce jour-là qu’il s’en prend avec force au... programme d’éthique et de culture religieuse du gouvernement québécois ; pardon ! au programme d’enseignement étatique allemand, mais c’est la même chose :
« Qu’est-ce qu’ils entendent dans les écoles, où de nos jours tous les enfants sont forcés de se rendre, sans égard pour la volonté des parents ? Que lisent-ils dans ces nouveaux manuels scolaires ? Demandez à voir ces manuels, chers parents chrétiens, surtout les manuels d’histoire pour le secondaire ! Vous serez épouvantés de voir avec quelle insouciance on cherche à remplir des enfants sans expérience de défiance à l’égard du christianisme et de l’Église, et même de haine contre la foi chrétienne. Dans les institutions d’État favorisées, dans les écoles hitlériennes et dans les nouveaux établissements de formation des maîtres de demain, toute influence chrétienne, je dirais même toute préoccupation religieuse est par principe exclue. »
Alors, il appelle les chrétiens à être l’enclume ; belle comparaison qui pourrait s’appliquer à notre Phalange dans nos temps d’apostasie :
« Ce qui est forgé sur l’enclume ne reçoit pas seulement sa forme du marteau, mais aussi de l’enclume ! L’enclume ne peut pas frapper, elle doit seulement tenir bon, elle doit seulement être solide ! Quand elle est suffisamment dure, ferme, solide, l’enclume tient généralement plus longtemps que le marteau. Quelle que soit l’intensité avec laquelle le marteau s’abat sur elle, l’enclume se tient là, calme et ferme, et continuera longtemps à rendre service pour donner forme à celui qui est forgé. [...] Faites en sorte que votre foyer parental, que votre amour de parents et votre fidélité de parents, que votre vie chrétienne, exemplaire, constitue l’enclume robuste, dure, ferme, inébranlable, qui arrête la fureur des coups de l’ennemi, qui sans cesse développe la force encore fragile des jeunes gens et les enracine dans la volonté sainte, de ne pas se laisser détourner du chemin vers Dieu. »
CONTRE « LA MORT MISÉRICORDIEUSE »
Le 3 août, nouveau sermon tonitruant. L’évêque vient d’apprendre que 800 malades ont été déplacés vers un centre d’hébergement où leur sera octroyée une « mort miséricordieuse », pour reprendre l’expression d’une note administrative signée par Hitler. Enquête faite, Mgr von Galen découvre que des dizaines de milliers de malades et de grands blessés ont déjà été ainsi liquidés dans toute l’étendue du Reich.
À ses auditeurs, aussi émus que lui, il montre Jésus pleurant sur l’humanité qui a rejeté sa loi d’amour, qui a délibérément choisi le mal. Il annonce les châtiments prêts à s’abattre sur l’Allemagne pécheresse.
Mais, me direz-vous, ce n’est pas la même chose que notre aide médicale à mourir ! Le programme d’Hitler s’appliquait aux infirmes, aux grands blessés dont les soins étaient trop coûteux et, d’ailleurs, on ne leur demandait pas leur avis. Tandis qu’au Québec, c’est une réponse compatissante au désir des souffrants.
Erreur, Hitler aussi encourageait l’assistance à mourir volontaire ! Un film intitulé J’accuse était diffusé dans les hôpitaux militaires. C’était l’histoire de l’épouse d’un brillant professeur de médecine, atteinte de sclérose en plaques. À sa demande, puisqu’elle disait avoir perdu le sens de la vie faute de pouvoir être utile, son mari acceptait de l’euthanasier. Il avait demandé l’aide d’un autre médecin, mais qui s’y refusa catégoriquement. Le mari arriva tout de même à répondre à la demande de plus en plus insistante de sa femme ; toutefois, dénoncé, il fut traduit devant les tribunaux. Coup de théâtre au procès : l’autre médecin, appelé comme témoin à charge, est maintenant en faveur de l’euthanasie. C’est qu’il avait compris la « mort miséricordieuse » après avoir essuyé les reproches des parents d’un enfant qu’il avait sauvé, mais laissé paralysé, aveugle et atteint de troubles mentaux. Cela ne vous rappelle rien ?
Les sermons de Mgr von Galen ont un retentissement considérable, clandestinement recopiés et répandus, surtout dans l’armée où ils rencontrent un écho très favorable, Les Alliés en ont connaissance et les radios américaines qui diffusent en allemand les citent abondamment. Tout cela inquiète au plus haut point Hitler et ses conseillers qui interrompront momentanément ce programme d’euthanasie organisée.
Certains préconisent l’assassinat de von Galen. D’autres voudraient le voir arrêté, torturé puis, après un procès pour atteinte à la sûreté de l’État et trahison puisque l’ennemi utilise ses sermons, condamné à une mort ignominieuse. Hitler craignant sa grande popularité, surtout dans l’armée au moment où celle-ci connaît ses premiers revers, décide qu’on attendra un moment plus propice pour lui faire payer cette résistance.
Ce moment ne viendra jamais pour lui, mais pour d’autres : quarante prêtres du diocèse sont envoyés en déportation, douze y mourront. Partout la Gestapo enquête pour retrouver les personnes à l’origine de la diffusion des sermons, toutes seront arrêtées, torturées, décapitées ou déportées. C’est ainsi que l’élite catholique se trouva presque anéantie en quelques mois.
Elle le sera définitivement après l’attentat raté contre Hitler, le 20 juillet 1944, dont les principaux instigateurs étaient catholiques. La Gestapo essaya, mais en vain, d’établir un lien entre les conjurés et Mgr von Galen.
MÜNSTER SOUS LES BOMBES
Après 1942, Mgr von Galen paraît s’être tu. Pourtant, il n’en est rien. C’est avec la même force que sa voix retentit contre la loi sur le divorce obligatoire des aryens mariés avec des non-aryennes, ou sur les avortements des non aryens. Il avait préparé aussi un sermon pour défendre les juifs, mais ceux-ci s’y opposèrent. En effet, par ses faux certificats de baptême et la distribution de billets de rationnement, il était le grand protecteur de la communauté juive de Westphalie : « Sans vous, nous ne pourrions pas subsister », lui avait dit le rabbin.
Toutefois ses interventions n’avaient plus le même retentissement. Les autorités veillaient à en empêcher la diffusion, mais surtout les populations allemandes souffraient maintenant des bombardements.
On aurait pu croire que Münster, qui était le siège de la résistance la plus véhémente à Hitler, aurait été épargnée par les bombes alliées. Il n’en fut rien, au contraire, elle fut, avec la région industrielle de la Ruhr, la plus dévastée. Mgr von Galen lui-même a failli y laisser la vie, lors d’une exceptionnelle attaque aérienne de jour, le 10 octobre 1943, dont il réchappa miraculeusement au milieu de son évêché détruit et devant sa cathédrale en flammes. De ce jour, sa principale activité fut de venir en aide aux victimes.
Le séminaire où il a trouvé refuge est à son tour en partie anéanti en mars 1944. La ville subit deux nouvelles vagues de bombardiers en septembre, sept en octobre. De 150 000 habitants, elle n’en compte plus alors que 25 000, et ce n’est pas fini. Janvier et février 1945, trois alertes aériennes par jour ; le 25 mars, un dernier grand bombardement achève de détruire ce qui restait ; la population a dû trouver refuge dans les campagnes environnantes ou ailleurs dans le pays.
Lui parcourt toutes les paroisses, réconforte, aide autant qu’il le peut, mais dans des conditions impossibles, tous les moyens de communication ayant disparu. Il apprend l’arrestation de son frère et sa déportation, mais il en reviendra vivant, tandis que plusieurs de ses beaux-frères et neveux officiers seront tués sur le front de l’Est.
Au grand pèlerinage marial du 4 juillet à Notre-Dame de Telgte, il rappelle à l’encontre de la propagande nazie, la nécessité de ne pas se venger, ainsi que la valeur du sacrifice rédempteur. Il faut unir ses souffrances au Christ pour l’expiation de nos péchés, pour le salut de la patrie et pour obtenir d’être préservé du communisme.
DÉFENSEUR DE SON PEUPLE CONTRE LES ALLIÉS
Quand les Anglais arrivent en Westphalie, ils s’attendaient à être accueillis en libérateurs par le Lion de Münster. Il n’en est rien : à leur tour, ils se heurtent à sa droiture.
Devant la mauvaise conduite de soldats alliés vis-à-vis de la population, la voix de l’évêque s’élève pour prendre sa défense contre les pillages, les viols, la destruction des denrées, la confiscation du matériel agricole. Il leur rappelle aussi que nombre de jeunes soldats ont été enrôlés de force dans les S. S., qu’ils méritent de meilleurs traitements.
Convoqué par les autorités britanniques, il leur rétorque : « Vous avez aussi, en tant que force occupante, des devoirs, et si vous ne les remplissez pas, j’agirai comme j’ai agi contre les injustices et la barbarie du national-socialisme. »
On le laisse repartir, mais il n’aura plus accès aux autorités occupantes. Il en souffre, car cela le prive de pouvoir venir en aide efficacement aux malheureux qui continuent à s’adresser à lui.
CARDINAL DE LA SAINTE ÉGLISE
Le 25 décembre 1945, Rome annonce la création de trente-deux cardinaux, parmi lesquels Mgr von Galen. Le 21 février 1946, les 50 000 personnes qui assistent à la cérémonie à Saint-Pierre de Rome ne font attention qu’à lui, à cause de sa taille certes, mais surtout de sa réputation.
De retour en Allemagne le 7 mars, il prend quelques jours de repos chez son frère, où il commence à éprouver des maux de ventre. Le 15 mars, il se rend aux pieds de Notre-Dame de Telgte, où il est accueilli avec un enthousiasme indescriptible par la foule qui, le lendemain, l’accompagne triomphalement à Münster en ruines. Devant ce qui reste de sa cathédrale, il donne ce qui sera son dernier sermon.
Car ses souffrances ne font qu’augmenter. Hospitalisé le 19 mars, il est opéré pour une péritonite, à peu près sans anesthésie. Après deux jours d’agonie, presque continuellement occupés par la prière, il s’éteint doucement.
Devenu évêque neuf mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il est décédé neuf mois après lui.
Tels furent la vie, le combat et la mort d’un évêque qui avait la stature des « défenseurs de la cité », à la fin de l’Empire romain, sauvant leur peuple de la barbarie, toujours au nom du Christ, pour les garder sur le chemin du Ciel.
C’est ce type d’évêque que Vatican II et le MASDU ont fait disparaître. Il y a certes aujourd’hui des évêques qui embrassent la fameuse « option pour les pauvres », mais ils ne se préoccupent pas plus du salut des âmes de leurs brebis que de celles des oppresseurs. Ils ne servent plus le Christ, mais leur utopie.
Il y a surtout désormais des évêques silencieux qui préfèrent taire le nom de Dieu, comme le reconnaît sans ambages Mgr Blanchet, archevêque émérite de Rimouski et toujours en charge des questions d’éthique au sein de notre épiscopat : « Vous l’aurez remarqué, mes réflexions ne sont pas fondées sur la foi chrétienne. Il me paraît plus fécond d’utiliser une approche laïque, qui permet de participer à part entière aux débats publics. Une approche croyante risquerait d’isoler ses adeptes et d’être ignorée. »
L’approche croyante de Mgr von Galen, au risque d’être envoyé en camp de concentration, a certes été ignorée d’Hitler, mais elle a maintenu l’autorité de l’Église et elle a encouragé les catholiques à garder fermement la foi nécessaire au salut.
Prions la Sainte Vierge pour que, triomphant du cœur du Saint-Père, Elle nous redonne un épiscopat exemplaire en qui tous reconnaîtront de vrais et bons pasteurs.